Rythme n' blouse

La musique s’inscrit progressivement dans la prise en charge de certaines maladies. Elle aide notamment dans certaines pathologies langagières. Plus récemment, l’entraînement musical s’est avéré un outil efficace pour les personnes sourdes.

Par Bruno Scala
La musique aide au traitement de certaines maladies

Depuis des années, la musique résonne dans les cabinets d’orthophonie. Elle est utilisée comme outil pour aider les patients en prise avec certains troubles du langage. Chez les patients aphasiques, qui peinent à trouver leurs mots et à s’exprimer, le plus souvent suite à un AVC, la musique est préconisée depuis les années 1970, dans le cadre de la thérapie par l’intonation mélodique. L’utilisation d’une amorce rythmique et mélodique sert de rampe de lancement aux patients. De même, la musique a déjà fait ses preuves dans le cadre de la dyslexie. Ici, le rythme de la musique, riche en informations temporelles, pallie les faibles capacités à traiter les informations temporelles du langage et donc à mieux décoder l’ordre des phonèmes.

Il serait temps que les écoles d’orthophonieforment les étudiants aux ateliers musicaux

Emmanuel Bigand, chercheur au CNRS

La musique, précurseur du langage

Au CNRS de Dijon, l’équipe d’Emmanuel Bigand travaille, elle, sur la réhabilitation du langage chez les enfants sourds. « Nous pensons que la musique est un précurseur du langage qui, sur le plan ontogénétique, prépare les aptitudes linguistiques, explique le chercheur. Ainsi, chez les enfants qui accusent du retard dans l’acquisition du langage en raison d’une faible stimulation sensorielle à la naissance, nous pensons que la musique est une stratégie efficace pour leur faire rattraper ce retard. » L’une des caractéristiques de ces enfants souffrant de surdité pré-linguale, et bénéficiant d’un implant cochléaire, est que leur fluence verbale est plus lente, notamment parce que leur mémoire de travail – à court terme – est moins performante. « C’est un peu comme lorsque vous écoutez une langue étrangère, illustre Emmanuel Bigand. Si votre interlocuteur parle moins vite, vous aurez plus de facilité à comprendre car l’exercice nécessite une mémoire de travail moins performante. »

Entraînement musical

Les scientifiques ont donc mis au point des ateliers musicaux ludiques, grâce auxquels les enfants ont amélioré leur fluence verbale. Ce dispositif, appelé Son en mains, est une plate-forme numérique d’entraînement musical, dont les exercices n’ont rien à voir avec le langage, mais qui aide à améliorer les compétences musicales, la mémoire musicale, etc. « En suivant cet entraînement de façon hebdomadaire pendant une vingtaine de semaines, les enfants sourds sont parvenus à développer leurs compétences linguistiques : par rapport à des enfants suivant des ateliers orthophoniques normaux, ils parlent notamment plus vite, ce qui signifie qu’ils ont une capacité de programmation du langage plus importante, en raison d’une mémoire du travail qui s’est développée », résume Emmanuel Bigand. Ces ateliers sont mis en place au Centre expérimental orthophonique et pédagogique (Ceop) de Paris (voir encadré), au CHU de Dijon, à la Timone (Marseille), mais peinent à se développer. « Les orthophonistes ne sont pas formés à la pratique de ces ateliers ni même à la musique, déplore le chercheur. À mon sens, c’est incompréhensible. Il serait temps que les écoles d’orthophonie se mettent au courant des découvertes réalisées sur le sujet. »

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