Quelles options de réhabilitation pour les surdités asymétriques et unilatérales ?

Des solutions technologiques permettent de répondre à l’hétérogénéité des pertes auditives asymétriques et unilatérales. Mais la décision d'opter pour l'une d'entre elles ne doit rien au hasard. Lors du e-colloque de la SFA du 3 décembre consacré à ces pathologies, Isabelle Mosnier, Jonathan Flament, Mathieu Marx et Morgan Potier ont précisé comment ce choix doit être réalisé.

Par Stéphane Davoine

Face à des cas de surdités asymétriques et unilatérales, l'ORL dispose d'une vaste palette d'options de réhabilitation. L'objectif : restaurer l'audition binaurale ou, à défaut, améliorer l'audition et la perception de la stéréophonie.
Pour les cas d’asymétries sans surdité sévère à profonde, le rétablissement d’une audition bilatérale grâce à l’audioprothèse, la chirurgie ossiculaire ou les implants d’oreille moyenne (IOM) et en conduction osseuse est l’objectif premier.

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« Un bilan auditif complet permet de définir le pronostic de réhabilitation réaliste et d’envisager toutes les options pour ne pas mettre en échec le patient », a expliqué Jonathan Flament. S’il n’est pas d’emblée écarté par des considérations anatomiques ou médicales, l’appareillage conventionnel est la première solution envisagée. Dans cette optique, le bilan audiométrique accorde une attention particulière à la dynamique résiduelle car celle-ci peut, lorsqu’elle est trop faible, compromettre le bénéfice des aides en impactant négativement le gain.

Audioprothèse : l’équilibrage compromis en cas d’asymétrie importante

L’appareillage se concentre sur l’équilibrage interauriculaire en initiant les réglages sur l’oreille la plus déficiente de façon à se rapprocher d’un seuil d’intelligibilité de 30 à 35 dB au-dessus du seuil normal pour ensuite ramener le seuil de l’autre oreille au niveau de la première. L’autre élément essentiel pour rétablir l’audition binaurale est le stéréo-équilibrage effectué pour différentes intensités – faible, moyenne et forte – et différentes fréquences – graves, médiums, aigus. « L’équilibrage fin du gain nécessaire à une bonne perception des indices binauraux – essentiels à la localisation de la source sonore et à la compréhension dans le bruit – est compromis en cas d’asymétrie trop importante », a prévenu Jonathan Flament.

Si la réhabilitation par prothèse traditionnelle est écartée pour des raisons anatomiques ou médicales (surdité de transmission et mixte) ou du fait d’un bénéfice insuffisant des aides auditives (surdité de perception), les implants d’oreille moyenne ou en conduction osseuse constituent une solution, pourvu que le patient dispose d’une bonne réserve cochléaire.

Seul implant d’oreille moyenne (IOM) dans le paysage technologique actuel, le Vibrant Soundbridge (MED-EL) est indiqué pour des aplasies majeures d’oreille et des sténoses du conduit auditif externe. « Des limites supérieures de seuils en conduction osseuse de 45 dB HL pour les fréquences graves à 65 dB HL pour les aigus ainsi que l’absence d’infection déterminent son indication », a précisé Isabelle Mosnier.

Conduction osseuse : percutanée ou transcutanée selon les seuils

Les implants en conduction osseuse relèvent des mêmes indications que l’IOM pour les surdités de transmission et mixtes unilatérales mais constituent, en plus, une option en cas d’otorrhée. Les implants passifs – Baha (Cochlear) et Ponto (Oticon Medical) – permettent la réhabilitation des surdités avec une conduction osseuse (CO) pouvant aller jusqu'à 65 dB en moyenne. Si le seuil en CO est inférieur à 35 dB, le système transcutané Baha Attract est envisageable.

Dotés de systèmes vibratoires internes, deux implants actifs transcutanés, le Bonebridge de MED-EL et l’Osia de Cochlear peuvent être indiqués jusqu’à des seuils en conduction osseuse de 45 dB pour le premier et de 55 dB pour le second, évitant ainsi le pilier percutané parfois à l’origine d’infections locales. « Les implants à conduction osseuse passifs et actifs sont également indiqués dans les surdités unilatérales à condition que le seuil de l’oreille controlatérale soit inférieur à 20 dB », a aussi indiqué Isabelle Mosnier.
En présence d’une perte sévère à profonde, une solution de compromis guide le choix thérapeutique.

Systèmes de type CROS : amélioration dans le bruit

Les systèmes CROS et BiCROS sont les solutions de référence pour les cophoses. Le premier lorsque l’oreille controlatérale est normale, le second lorsque cette oreille présente une perte auditive. « La littérature montre que le CROS améliore la perception de la parole dans le bruit en situation dichotique mais la dégrade en condition dichotique inversée et dans cette seconde situation, la coupure du renvoi micro CROS est requise », a rappelé Morgan Potier.

Depuis quelques années, des déclinaisons stéréoCROS et stéréoBiCROS (« Tri-CROS »), impliquant deux aides, permettent l’appareillage des subcophoses (surdités sévères avec reste auditif) lorsqu’elles sont respectivement couplées à une oreille normale et à une oreille avec perte auditive.

Comme pour le CROS et le BiCROS, le stéréoBiCROS est synonyme d’amélioration de la perception de la parole dans le bruit en situation dichotique et de dégradation de cette même perception en condition dichotique inversée. « Le stéréoBi-CROS présente un grand intérêt pour les patients souffrant d'acouphènes pour lesquels il permet une baisse de la sonie comparable à celle produite par la pose d’un l’implant cochléaire, un effet qui disparaît toutefois lorsque le dispositif est retiré », a insisté Morgan Potier. (Lire également le cas clinique)

Implant cochléaire : en cas d’acouphène invalidant

Dernière option de réhabilitation pour les surdités asymétriques, l’implant cochléaire a vu son indication étendue, en septembre 2021, pour les surdités profondes unilatérales associées à un acouphène invalidant. « L’évaluation précise du retentissement et de la sévérité de cet acouphène étant établie sur la base de questionnaires validés et standardisés tels le THI et l’échelle visuelle analogique de gêne (Eva-G) et l’implant cochléaire n’est envisagé qu’après l’échec de toutes les autres options de traitements », a spécifié Mathieu Marx.

L’efficacité de l’implant cochléaire sur l’acouphène est globalement importante et reproductible puisqu’on enregistre de 75 % à 90 % de bons résultats, selon l'ORL. Quant à l’audition binaurale, si la littérature montre un effet favorable de l’implant pour lever l’effet d’ombre de la tête en situation dichotique (signal de la parole présenté du côté de l’implant), elle met en évidence des conséquences centrales plus limitées. L’effet de sommation est modeste d’un point de vue clinique et pas significatif pour le démasquage binaural et l’effet squelch.
« À noter qu’une proportion significative des patients présentant une surdité unilatérale s’adapte à ce déficit et écarte les options de réhabilitation en raison de leur capacité à localiser la source sonore et à se positionner adéquatement », a conclu Mathieu Marx.

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