Piles ou batteries : la panacée n’existe pas

Une étude récente montre que préférer les appareils rechargeables aux aides alimentées par des piles conventionnelles réduiraient de 65 % l'impact environnemental. Une diminution à relativiser mais que les prochaines générations de batteries pourraient renforcer.

Par Stéphane Davoine
(c)mitay20 AdobeStock

Sous la pression sociétale et réglementaire, l’industrie des technologies auditives se soucie aujourd’hui de son empreinte environnementale. La question de l’alimentation énergétique des aides auditives – piles ou batterie – se pose.

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Aujourd’hui, le rechargeable est en plein essor et représente 60 % des ventes en France. Cette option présente « les avantages d’éviter un réassort régulier de piles et de réduire les manipulations des appareils qu’il suffit d’insérer dans leur chargeur », rappelle-t-on chez Audika, « l’inconvénient majeur étant que l’oubli de la station ou une panne laissera l’usager démuni ».

Avantage écologique à la batterie

Sur le plan écologique, la montée en puissance des aides rechargeables est positive, si l’on en croit une récente étude de Signia. Le fabricant a évalué, via une analyse du cycle de vie [1], l’empreinte écologiques d’appareils équivalents et alimentés soit par des piles zinc-air soit par une batterie lithium-ion. Pour cette analyse, les auteurs ont fixé à 5,5 ans la durée de vie des appareils auditifs, ce qui nécessite environ 669 piles ou 2,3 batteries (ainsi qu’un chargeur et une certaine quantité d’électricité).

Les conclusions de l’étude comparative intégrant 18 catégories d’impact environnemental sont, au premier abord, sans équivoque : sur la totalité d’entre elles – allant de la consommation en eau à l’utilisation de terres en passant par l’écotoxicité pour le sol – les batteries font mieux que les piles. En moyenne, les aides rechargeables présentent un impact environnemental inférieur de 65 % à celles fonctionnant sur piles. Autre enseignement : 80 % des effets délétères des aides auditives non rechargeables sur l’environnement sont dus à la production, à la distribution et à l’élimination des piles.

Pas de solution idéale

Cela ne signifie pas que l’empreinte écologique d’une batterie est bonne, loin de là. Et des efforts doivent être réalisés pour l’améliorer. L’extraction du lithium, notamment, est particulièrement problématique. Elle requiert d’immenses quantités d’eau pompées dans les nappes phréatiques proches des gisements et est synonyme de contamination des ressources hydriques et des écosystèmes. De plus, en raison de sa forte réactivité le lithium rend délicat le recyclage des batteries en induisant notamment des risques électriques, d’emballement thermique ainsi que des risques chimiques avec la production de gaz toxiques ou l’exposition à des matériaux cancérigènes. En fait, son avantage face aux piles est dû uniquement à sa faible quantité nécessaire pour faire fonctionner des aides auditives tout au long de leur durée de vie. Et ce, malgré des efforts notables du côté des fabricants pour réduire l’impact des piles sur l’environnement. En 2014, un règlement européen a acté l’interdiction du mercure dans les piles boutons, jusque-là exemptées, et ce, à partir de 2015. Selon Rayovac, qui ne fabrique plus du tout de piles avec mercure depuis 2017, supprimer ce métal toxique des piles d’aides auditives aurait permis d’éviter le rejet de 6,5 t de mercure dans l’environnement.

Les piles zinc-air pâtissent en effet de leur faible durée de vie qui induit des quantités commercialisées astronomiques. En 2011, le nombre de piles nécessaires aux aides auditives des usagers français avait été estimé à 50 millions d’unités [2]. Aujourd’hui, du fait d’un marché qui a plus que triplé en 12 ans – et en dépit de la part croissante du rechargeable – le marché absorberait encore environ 70 millions de piles.

Des millions de piles non recyclées

Sur ce nombre, difficile de dire la part effectivement recyclée. Les usagers ont à leur disposition des points de collecte dans les grandes surfaces, déchetteries et autres administrations, et ceux des audioprothésistes également soumis à l’article R543-128-1 du code de l’environnement qui oblige les distributeurs de piles à collecter gratuitement les unités usagées. Chez Audika, la revalorisation des piles est organisée en collaboration avec Corepile, un des deux éco-organismes de collecte et recyclage agréés par les pouvoirs publics. Corepile affiche 2 200 points de collecte chez les audioprothésistes pour cinq millions de piles collectées annuellement. En considérant le taux de collecte effectif des piles de tous types en France – environ 70 % – on peut évaluer grossièrement à une vingtaine de millions les unités se perdant chez les particuliers, dans les décharges ou la nature...

L'avenir sera sans doute marqué par une part croissante de solutions rechargeables qui devraient bénéficier du développement de nouvelles technologies. La batterie lithium-soufre, tout d’abord, dont la densité énergétique est quatre fois supérieure à celle de la batterie lithium-ion actuelle et, ensuite, les batteries « tout solide », plus denses avec une autodécharge réduite et permettant une amélioration de la sécurité du fait d’électrolytes ininflammables. Sans doute de quoi encore réduire l’impact écologique de l’industrie. Reste à savoir dans quelles proportions...

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