Si être une femme a été un obstacle dans sa carrière ? « Non, pas du tout », répond la Pr Françoise Denoyelle. « Sinon je n’aurais pas réussi à faire tout ce que j’ai fait ! » Soit, entre autres, devenir professeur des universités (PU), cheffe de service d’ORL pédiatrique, cheffe de pôle, ou encore présidente de la sous-section ORL du Conseil national des universités (CNU), qui se prononce sur la qualification, le recrutement, la carrière des PU et maîtres de conférences. Et ce, assure-t-elle, sans avoir eu à faire davantage ses preuves que ses collègues masculins.
Des appuis personnels et professionnels
Son histoire familiale la prédestine sans doute à ne pas considérer son genre comme une limite. Le décès précoce de son père les contraint, sa mère, sa sœur et elle à gérer toutes les tâches domestiques, même celles considérées comme masculines. Elle grandit avec le modèle de sa mère, partie de son petit village à 25 ans, en 1955, pour suivre un master aux États-Unis. Alors, quand, à 8 ans, Françoise Denoyelle a voulu devenir médecin – d’abord généraliste –, elle n’y a pas vu un domaine réservé. Non plus quand elle s’est spécialisée en ORL, puis sur-spécialisée en pédiatrie. Ni en chirurgie otologique et de reconstruction des malformations : « Nous sommes peu nombreux », glisse celle qui dirige également le centre de référence des maladies rares dédié. Elle ne s’est jamais interdit, non plus, de prendre des responsabilités, sauf si cela impliquait de s’éloigner de son cœur de métier.
Et elle n’a pas pour autant sacrifié son désir d’enfants, estimant que, de toute façon, les grossesses tombent toujours « mal », « mais on se débrouille ». Sa première est arrivée pendant le clinicat, la deuxième peu avant son installation dans le privé, la troisième durant sa thèse de sciences où elle « manipulait du phosphore 32 avec un tablier de plomb ». Elle n’a pas non plus fait de croix sur une vie de famille. Si elle s’est toujours rendue disponible pour les urgences médicales, elle a fixé une règle pour les réunions administratives : l’anticipation. Elle est consciente, néanmoins, d’avoir eu « beaucoup de chance d’évoluer dans un environnement favorable, aussi bien professionnel que personnel ».
ORL, une spécialité préservée ?
L’ORL serait aussi, selon elle, « plutôt favorable aux femmes », n’imposant pas « de multiples gardes », contrairement à d’autres spécialités chirurgicales. Des consœurs pédiatres se seraient ainsi heurtées à la question « Mais qui va garder les enfants ? », alors qu’elles se présentaient comme futures professeures. « Ça existe, mais concernant la spécialité ORL, c’est sûrement très marginal. »
La représentation des femmes en ORL continue de progresser, observe-t-elle. Sous le coup de la réglementation, qui l’a « un peu favorisée pour participer aux conseils professionnels ». Et de la féminisation des internes – les femmes étant désormais « plus nombreuses que les hommes » – qui se répercute lentement chez les PU-PH (lire l'article Présentes, mais cachées). « Aujourd’hui, il n’y a ni frein, ni favoritisme », assure la présidente de la sous-section ORL. Il reste que ce choix de carrière « autorise difficilement mi-temps ou temps choisis. Pour certaines femmes c’est important, mais pour certains hommes aussi. » Elle essaie, pour ses collaborateurs, de ménager des horaires permettant de concilier contraintes professionnelles et personnelles. Pour qu’ils ne soient pas « pris entre le marteau et l’enclume ».
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