Rarement l’audioprothèse a autant été au cœur des débats parlementaires. Neuf amendements déposés par des députés issus de plusieurs groupes politiques – dont cinq par François Gernigon, auteur d’un projet de loi visant à instaurer un Ordre des audioprothésistes –, visent directement le secteur. Leurs objectifs : une meilleure régulation économique, l’encadrement des pratiques et un élargissement des compétences des audioprothésistes.
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Les « rentes excessives » dans le viseur
Deux amendements – AS1343 et AS1384 –, déposés par le groupe écologiste et social, « s’attaquent » aux professions à « rentabilité manifestement excessive » telles qu’elles ont été identifiées par le rapport Charges et produits 2025 de l’Assurance maladie, et parmi lesquelles figurent les audioprothésistes. Les députés proposent d’autoriser l’Uncam à renégocier directement les tarifs, sans attendre d’habilitation ministérielle, et à engager des baisses de prix « afin que les secteurs les plus rentables participent à la réduction des dépenses de santé ».
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Maintenir l’indissociabilité
À rebours de cette approche, l’amendement AS1385 du député François Gernigon demande d’exclure les aides auditives du champ d’application de la dissociation entre produit et prestations prévue pour 2026, et ce, « afin de préserver les acquis du 100 % Santé et de garantir un suivi optimal des patients ». Dans l’exposé des motifs, l’auteur, qui se fait plus que jamais l'avocat de la profession, souligne qu’« en l’absence d’étude d’impact sur les conséquences médico-économiques d’une dissociation en audioprothèse – non demandée par les associations de malentendants – il serait imprudent de fragiliser un système équilibré, déjà éprouvé et unanimement salué ». Il alerte contre les risques de fraudes et de dérives commerciales d’une segmentation tarifaire, « sans dispositifs de contrôle renforcés », qui viendraient en contradiction « des objectifs de maîtrise des dépenses publiques ».
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Clarification et élargissement des compétences
François Gernigon est décidément prolixe en ce qui concerne le secteur. Il est l’auteur de deux autres amendements visant à mieux définir le rôle des audioprothésistes. Le premier relance le projet de publication d’un décret précisant les actes relevant de leur compétence, « après avis de l'Académie nationale de médecine, du Syndicat des audioprothésistes et du Collège national d’audioprothèse ».
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Le second prévoit d’autoriser, à titre expérimental, les audioprothésistes à réaliser des audiométries à visée diagnostique « en vue de leur utilisation par un médecin qualifié pour établir un diagnostic de surdité » – ORL et médecins généralistes formés à l’otologie médicale –, dans trois départements. L’objectif : « mesurer l’impact d’une délégation encadrée des actes techniques d’audiométrie sur l’accès aux examens, l’optimisation du parcours patient et la continuité des soins, tout en garantissant que le diagnostic demeure sous la responsabilité d’un médecin ». C’est, en substance, le projet porté par le CNP ORL, destiné à améliorer l’accès aux soins auditifs des patients presbyacousiques dans les zones sous-denses, mais qui peine à se concrétiser.
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L’encadrement des pratiques
Les propositions AS1388 et AS1389 visent quant à elles un meilleur encadrement des pratiques commerciales. Le premier amendement, également proposé par le député Gernigon, entend définir précisément – et interdire – le « démarchage » en audioprothèse. La notion est ainsi décrite comme « toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique déterminée, en vue d'obtenir, de sa part, un accord sur une prise de rendez-vous dans l’établissement de l’audioprothésiste ». Cette mesure entend « prévenir les risques d’abus de faiblesse, protéger les données de santé et préserver le caractère médical du parcours de soins » et s’inscrit dans un contexte inflationniste de pratiques consistant à contacter directement les prospects « sous couvert de bilans auditifs gratuits ou de vérifications d’appareillage ». Ces démarches « exploitent la vulnérabilité d’un public fragile » et « génèrent (...) des dépenses inutiles », est-il expliqué dans l’exposé des motifs.
Le dernier amendement de François Gernigon s’inscrit dans la ligne défendue de longue date par le SDA concernant la publicité en audioprothèse. Il propose d’interdire dans ce cadre « remises, rabais, ristournes ou offre promotionnelle » sur les aides auditives, afin de mettre un terme à une « marchandisation » jugée « contraire aux objectifs sanitaires de l’appareillage auditif ».
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Vers davantage de contrôle
Avec le contexte de lutte contre la fraude et la chasse aux indus en toile de fond, l’amendement AS1394 prévoit une expérimentation de traçabilité automatisée, avant paiement, d’abord dans l’optique, avant une extension possible à l’audioprothèse. L’objectif est de sécuriser la chaîne de facturation en garantissant la concordance entre le devis, le produit délivré et le remboursement.
Dans le même esprit, l’amendement AS125, déposé par les socialistes, prévoit l’échange systématique des résultats des contrôles des professionnels de santé entre les régimes général et agricole, « notamment sur le déconventionnement des professionnels de santé », et cite notamment les actions menées dans le cadre de la lutte contre la fraude en audioprothèse.
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