Vers davantage de pluridisciplinarité

Par Émilie Ernst, orthophoniste et docteur en psychologie cognitive
Emilie Ernst

La prise en charge des patients sourds est un des nombreux actes inscrits à la nomenclature des orthophonistes. Néanmoins, c’est un domaine de pointe, en constante évolution. La triade ORL - audioprothésiste - orthophoniste constitue une « audiologie à la française », où l’orthophoniste évalue et rééduque la part centrale des mécanismes de l’audition, du jeune enfant qui doit acquérir le langage jusqu’à l’adulte soucieux de bien vieillir.

Les orthophonistes, diplômés au grade master, sont très attachés à la future création d’un doctorat en « sciences orthophoniques ». C’est par ce moyen essentiel que l’orthophonie pourra apporter des innovations en audiologie, notamment en multipliant les recherches prouvant l’efficacité des prises en charge. Au fil des avancées médicales et technologiques, les orthophonistes mettent en effet au point des protocoles de rééducation ciblés. Ils ont connu la révolution des modèles cognitifs du fonctionnement du cerveau et celle de l’implant cochléaire. Ils continueront à adapter leur intervention en fonction des futurs apports attendus de la thérapie génique, des implants à stimulation lumineuse du nerf auditif, de l’amélioration de la transcription automatique des échanges langagiers, de l’exploitation des big data collectées tant par les aides auditives que les smartphones, etc.

Paradoxalement, le rôle des orthophonistes est encore mal connu des ORL et des audioprothésistes. Il est fondamental que cela évolue, dès leurs formations initiales. Les relations avec les ORL sont établies de longue date : ils assurent des heures d’enseignement voire dirigent certaines écoles d’orthophonie et accueillent des étudiants dans leurs services pour des stages longs. Depuis sept ans, les étudiants en orthophonie effectuent un stage d’observation court chez un audioprothésiste. Il serait logique à l’avenir que des interventions d’orthophonistes soient systématiques dans le cursus théorique comme pratique des étudiants de ces deux autres disciplines. Les liens doivent ensuite se poursuivre tout au long de la vie professionnelle. Lors de la formation continue, les congrès nationaux d’audiologie ont compris que l’avenir est au décloisonnement et les organisateurs proposent ainsi des « M asterclass orthophonie » et autres « Sessions orthophonie/ ORL ».

L’avenir est au décloisonnement des professions.

Dans la pratique clinique, des professionnels qui connaissent mieux leur travail respectif penseront mieux le suivi d’un patient sourd ou malentendant. On pourrait ainsi voir se multiplier des structures hospitalières ou de ville, où un patient bénéficie en un lieu unique d’un suivi par ces trois professionnels, qui travaillent de concert, avec l’appui complémentaire de psychologues, d’ergothérapeutes, de kinésithérapeutes spécialisés en rééducation vestibulaire, d’assistants de service social, d’associations de patients, etc.

Les modalités de prise en charge s’étofferont également avec l’essor de la télé-orthophonie. Les orthophonistes utiliseront cette technique dont le déploiement a été accéléré par la crise sanitaire et a montré de premiers résultats très encourageants, en complément du suivi en présentiel. Gageons qu’ils y ajouteront la télé-expertise, permettant de participer à des consultations pluridisciplinaires ou de coordination d’équipe, et la guidance en ligne, à destination du patient comme de son entourage proche. L’important est de tisser des liens réels autour du patient, quitte à passer par une modalité virtuelle !

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