Qu’entendrez-vous demain ?

Par la Pr Christine Petit, directrice de l’Institut de l’audition
Christine Petit

Aujourd'hui, un nouveau tournant s'opère, fondé sur les avancées récentes. La caractérisation clinique et la prise en charge des atteintes auditives doivent rejoindre le niveau qu'elles ont dans d'autres domaines de la médecine. Leur approche diagnostique doit considérablement s'enrichir et d'authentiques thérapies doivent se développer. Or, par l'étude des modèles animaux des surdités humaines, nous savons quels sont les corrélats physiologiques d'un grand nombre d'atteintes de la cochlée, ce qui conduit au développement de tests plus spécifiques chez l'animal. Ils doivent maintenant être transposés à l'homme. Comme pour les atteintes des autres organes, des diagnostics multiparamétriques fondés sur des biomarqueurs peuvent être conçus. Le résultat, intégré dans des appareils médicaux, permettra le développement d'algorithmes d’aides au diagnostic. Ces nouveaux diagnostics fourniront en retour un grand nombre de données qui permettront d'affiner et d'enrichir progressivement les algorithmes initiaux en ayant recours à leur traitement par l'intelligence artificielle.

On ose aujourd'hui parler de traitement de la surdité ou, plutôt, des surdités, parce que les connaissances de leurs physiopathologies indispensables au développement de thérapies ont été acquises et ne cessent de croître. Plus nombreux sont les laboratoires à travers le monde, et parmi les meilleurs, qui ont opéré une transition de la recherche fondamentale de haut niveau vers la recherche de thérapies, recherche fortement soutenue par le secteur industriel. Dans beaucoup de pays, la recherche pharmacologique prend de l'ampleur, de même que la recherche de thérapies par régénération cellulaire pour les cellules sensorielles.
Enfin, chercher à traiter les surdités par la thérapie génique coule en quelque sorte de source. D'une part parce que les formes de surdités pour lesquelles on dispose de la connaissance nécessaire pour s'engager dans cette voie sont les formes précoces héréditaires de surdités profondes dues à des atteintes monogéniques. D'autre part, parce que la thérapie génique connaît aujourd'hui des succès spectaculaires pour de nombreuses pathologies héréditaires. Des dizaines d'essais cliniques de thérapie génique sont programmés pour les trois à quatre prochaines années. Avec collègues, nous avons apporté la preuve de la possibilité de freiner la perte de l'audition et de restaurer l'audition dans des modèles animaux de plusieurs surdités héréditaires humaines précoces. D'autres laboratoires ont obtenu aussi des résultats prometteurs.

Des formes monogéniques de presbyacousie

De plus, nous avons récemment mis en évidence l'existence de formes monogéniques de presbyacousie autour de la cinquantaine ouvrant un large champ d'applications, large compte tenu du nombre de personnes atteintes. Environ 330 millions de personnes à travers le monde souffrent de presbyacousie. Un chiffre qui selon les prédictions devrait doubler d’ici 2050 (lire notre article Des formes de presbyacousies génétiques... et curables ?). L'objectif est de restaurer une perception auditive de qualité supérieure à celle que permettent les prothèses, en particulier la possibilité d'une écoute dans le bruit et d'une appréciation de la musique. Tandis que se construisent ces approches, l'impératif de combler les lacunes de la connaissance qui porte en germe les thérapies futures à échéance plus ou moins proches demeure intact. Les approches séquentielles, qui allaient jusqu’ici de la recherche fondamentale à la recherche de thérapies, s’effacent aujourd'hui pour laisser place à des approches fondamentales et translationnelles de progressions conjointes et d'emblée intégrées.

C'est précisément pour répondre à ces défis de la connaissance et à ceux du développement de thérapies que Françoise Bettencourt-Meyers et Jean-Pierre Meyers ont formé le dessein de doter la France d'un institut de recherche sur l'audition, couplé à un centre de recherche et d'innovation en audiologie humaine, l’Institut de l’audition.

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